Le récit d’Romu-130Km

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuTrail du Grand Sénonais 2018 – 130km !!!

Après avoir été finischer de mes 1er 110 km l’année dernière, Christian Chevalier, dit « Cheche », me
motive, m’oblige presque à participer à son 1er trail ! L’idée cogite, l’idée fructifie, puis l’idée finit par me convaincre.

3 distances au programme : 18 km, 50 km et 130 km. Bien entendu, je vais me lancer sur la plus grande.
J’annonce la nouvelle à mes 2 suiveuses, Pascaline et Nathalie, qui sans aucune hésitation se réjouissent de
faire partie de mon aventure, de notre aventure.

La date est fixée pour le weekend des 14 et 15 septembre 2018 !

Je ne suis pas un ultra traileur ayant participé à une multitude de courses, je suis un coureur local. Le trail de Sancerre a été la sortie la plus éloignée que j’ai faite cette année. Et la plus dure !! 35 km qui furent un calvaire, les vignes m’ont tué ! Je suis rassuré car mes copains de course, Bertrand et mon Tchoupi ont autant galéré que moi sur le 15 km… 4h08 pour faire 35 km, il y a de quoi se poser des questions sachant que 3 mois plus tard, je dois en faire 4 fois plus !!!
Au moins, ça m’a fait comprendre qu’il faudra s’accrocher et s’entraîner. Même si la période n’est pas la plus propice aux entraînements, j’essaie de faire 4-5 sorties par semaine. Et comme la canicule s’est bien installée, il faut trouver des astuces pour se performer.

Florence m’inscrit à Dynamic Aqua pour faire des séances d’aquabike. Moi qui avais des a priori sur ces activités en salle, je dois dire que ça m’a fait énormément de bien, et je le conseille à tous ceux qui courent, en complément de leurs entraînements.
Je vais au boulot en courant, déjà 25° à 8h00, je vous laisse imaginer la température pour rentrer à 17h. Une serviette humide sur la tête, la chaleur du bitume qui fond sous les chaussures, je vais chercher l’ombre dans les bois et la fraîcheur qu’il n’y a pas…

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

La douche en rentrant ne sert qu’à faire descendre la température, car à peine sorti de la salle de bain, les gouttes de transpiration reviennent.
Je ne connais pas tout le parcours, la boucle de Villeneuve et l’Enfourchure me serviront de sortie longue et en même temps d’une reco. 43 km en 5h, avec un départ matinal à 5h30.
La date fatidique se rapproche, on part en vacances en Vendée, où j’arrive à me motiver pour faire 3 petites sorties.

Dès mon retour, je suis inscrit sur le trail de Villemanoche, 30 km, ce sera ma dernière grosse sortie. Les sensations ne sont pas mauvaises, même si je sais que je manque de sorties longues.

J-7, rendez-vous à Malay avec Bertrand et des coureurs de Sens Triathlon. Une sortie tranquille de 16 km, où chacun donne ses impressions. Pour certains, ce sera le 18 km, et pour d’autres une 1ère sur le 50 km, je pense notamment à Ol pour qui ce sera un véritable challenge. On sent une certaine excitation, un mélange de peur et d’euphorie. On partage ces moments, on se félicite, on s’encourage.
J- 2, petit briefing avec mes suiveuses, mes parcours avec mes temps de passage sont prêts. Plusieurs
proches me demandent si j’aurai une puce pour me suivre. Malheureusement non. Mais je demande à
Pascaline et Nathalie de donner des nouvelles régulières via Messenger.
Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuH- 24, Cheche, avec qui je suis voisin, me dit de passer chez lui car Vincent Delebarre, très grand traileur, connu et reconnu, sera chez lui pour le weekend. Il participera au 50 km. Avec sa compagne, il me donne des conseils sur la gestion de course et sur mon alimentation, un super moment partagé avec des personnes aussi simples que vous et moi.

 

Jour J, après avoir bossé le matin, je passe acheter une pizza pour mes ravitos. Comme on me l’a conseillé la veille : « mange ce que tu aimes !!! ».
14h30, après avoir déposé Eliott à l’école, on va chercher mon dossard avec Florence. Quelques coureurs sont là. Le village du trail se met en place, je sens Cheche un peu stressé. Pour lui c’est aussi une grande première. Ce trail, ça fait des années qu’il en rêve, avec les autres bénévoles, ils ont passé des centaines et des centaines d’heures pour nous proposer cette course. Je croise mes parents, qui sont aussi de la partie, ma mère qui distribue les dossards et mon père qui essaie de trouver 3mn pour manger un casse-croûte.
15h00, retour à la maison avec un beau sac de trail et mon dossard, numéro 18. Je vais essayer de faire une sieste. Pas possible, mon cerveau est déjà dans la course, les nerfs m’empêchent de dormir.
17h00, je me lève et je me prépare, je décide de descendre jusqu’ à la place de la cathédrale à pied pour aller voir le film de Dawa Scherpa. Mes sacs sont prêts, celui que je donnerai à mes suiveuses, celui qui m’attendra à l’arrivée et celui qui m’accompagnera pendant 18h, selon mes estimations !! Mon sac, c’est comme mes chaussures, ce seront mes alliés, un qui me lâche et ça pourrait être l’abandon.
18h40, je descends à pied, 2 km pour se dégourdir les jambes, elles sont prêtes à souffrir !!! Florence et Eliott me retrouveront avec mes affaires. Le parcours passe à 200m de chez moi, je vois le fléchage et les petits drapeaux préparés par mon frère qui a balisé une partie du parcours.
19h20, j’arrive place de la cathédrale, il fait beau et la température est idéale pour courir. Harry Bignon, le speaker, m’interpelle pour que je sois le 1er à être présenté. Il y a quelques têtes que je connais, je vais saluer Vincent Delebarre et Dawa Sherpa. Je retrouve Patrick Lemoine, un ami qui ne peut malheureusement pas participer, un habitué des ultra-trails, il me donne quelques derniers conseils avec Vincent.
19h40, Nathalie et Pascaline sont là. Une grosse accolade, je me retiens de lâcher quelques larmes,
j’entends Nathalie dire : « pas de pleurs avant l’arrivée !!! ». Mais l’émotion est bien présente. On s’assied en terrasse, je commande un perrier, je fais des aller–retour aux toilettes. On regarde le film sur Dawa Sherpa, parrain de ce 1er trail et présent ce weekend. Un personnage extraordinaire, et dont je conseille à tous la lecture de son livre « les sentiers de la sagesse ».

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

Harry demande aux traileurs du 130 de se rapprocher afin de nous présenter. Mes amis de l’APSAM ont boycotté le sport pour venir m’encourager. Je suis heureux d’être parmi eux, j’emmagasine leurs encouragements et leurs soutiens. Les coureurs montent l’un après l’autre sur l’estrade, les applaudissements et les encouragements retentissent doublement lorsque vient mon tour. Comme dit un
coureur : « ah lui c’est un local !!! ».

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

20h55, dernière accolade à tous mes amis, mes proches et mes enfants. On se dirige sous l’arche de départ. Dernières recommandations de Cheche, le coeur palpite de plus en plus vite, la gorge est serrée. La musique de départ retentit, elle résonne entre le marché couvert et la cathédrale, les frissons m’envahissent, le décompte commence.

 

10, 9, 8, les guerriers de la Brennus sont prêts à en découdre, le regard concentré, le combat contre soi-même va bientôt commencer.
7, 6, 5, des mois que j’attends ce moment, je revois tout ce temps passé à m’entraîner, pour réussir, pour finir, mes nerfs sont à vifs.
4, 3, 2, 1, 0, ça y est, la meute est lâchée, les supporters nous acclament, je « checke » les mains qui se tendent, 84 coureurs qui traversent la grande rue, puis les 2 ponts pour sortir de Sens.

Le quad nous laisse passer, on attaque assez fort par un chemin qui surplomb Sens. Chacun s’organise, on sait tous que la course sera longue, on sait tous qu’une faille pourrait nous faire abandonner. Je suis confiant et concentré, impossible pour moi de ne pas finir, toutes ces préparations pour abandonner, je ne peux pas y croire.
Les 1ers kilomètres passent, un groupe d’amis m’attend à l’église de St Martin. Ils mettent de l’ambiance. L’allure de mon premier kilomètre n’est pas fulgurant : 9mn50. Si je fais les 129 autres à cette allure, je ne suis pas prêt d’arriver.

Je ne compte pas le nombre de fois où mes supporters m’attendent, parfois au milieu de nulle part. Tous les chemins, je les connais par coeur, je joue à domicile, sur mon terrain de jeu, et pour preuve on passe à 200m de chez moi.

14ème km, je reprends un bon rythme : 7mn30 au km, je croise mes parents qui sont postés à des croisements, Léandre mon plus grand, avec son gilet jaune qui nous indique le chemin à prendre. Je m’arrête, le serre dans mes bras et je reprends ma route. Je suis pressé de le revoir, lui et ses frangins.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

20ème km, arrivée au ravito de Collemiers, tout va bien jusque-là ! Il ne me reste plus que la distance que j’ai réalisée l’année dernière : 110 km !!! Les conditions météo sont impeccables pour courir, pas trop chaud, pas trop froid, pour l’instant ! Je reste à peine 10mn, et je repars seul.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

Il est 23h36, direction Villeneuve sur Yonne, dans 27 km. Je sais que ce sera long et je sais qu’une partie du trajet, je ne le connais pas. Je prends des singles dans des ravines, il faut être vigilant pour ne pas se tordre les chevilles. Je suis content de ma frontale, mon 3ème oeil, mais je le serai encore plus quand je ne l’aurai plus sur ma tête…

On passe dans Marsangy, mes suiveuses sont là et m’encouragent. Les montées commencent à se faire sentir, il faut gérer, monter tranquillement et relancer quand on peut. La route est encore longue. En traversant les forêts, j’entends les chouettes, je fais fuir des chevreuils ou des sangliers. J’ai beau éclairer mais j’aperçois seulement le reflet de leurs pupilles.

Avant de rentrer dans la forêt du legs Thenard, ma mère est là, elle n’est toujours pas couchée, il est 2h00 du matin, elle est avec Samy et Philippe des amis qui sont bénévoles. 200m plus loin, c’est Valérie et Kévin qui ont fini le dernier km avec moi l’année dernière sur mon 110, avec mes fidèles suiveuses. Je commence la traversée de ce long moment en forêt. Un bénévole est à un croisement sur une petite route, en plein milieu de nulle part. Il a fallu que j’entende sa voix pour m’apercevoir que c’était mon père.

Cette forêt me paraît interminable. Je retrouve une portion de route sur 500m. Je prépare mes bâtons qui me seront bien utiles pour monter ce « tape-cul ». La Haute Epine porte bien son nom, elle est haute et on passe par un single avec des petits arbustes bien piquants. Plus que 3 km et je rentre dans Villeneuve.

50ème km, arrivée au ravito de Villeneuve, après avoir croisé Laura et Alex, des amis bénévoles, qui
attendaient mon passage pour aller se coucher. Trop gentil !!

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuIl est 3h du mat, la fatigue se lit sur certains visages, Nathalie et Pascaline vont même ramener un coureur qui abandonne. J’ai du mal à me nourrir, j’arrive quand même à boire 2 verres de soupe et à manger un bout de pizza. Mais l’envie n’est pas là. Je me change car il fait froid, surtout quand on s’arrête. Je remercie les bénévoles du ravito, qui seront encore là pour un bon moment, et je reprends la route.

 

 

Direction l’Enfourchure, dans 20 km. J’ai 1h30 de retard sur mes prévisions. Pas grave, je ne vais pas trop mal, le moral est là. Dans 4 heures, le jour va se lever, la température va augmenter et l’arrivée sera plus proche. C’est encore impossible pour moi d’abandonner, je me le répète sans cesse. Je suis hyper concentré même si je commence à en avoir marre…

Je traverse Valprofonde, je comprend la signification de certains noms de hameaux. Val qui est un raccourci du mot vallée et profonde car vous descendez puis vous remontez assez brutalement. Ça pique les jambes !!! Pour traverser la forêt d’Othe, j’enlève mes écouteurs, je sais qu’il y a des cerfs dans cette immense forêt et ils commencent leur période de brame. Peut-être que j’en entendrai un ?
Que nenni.

J’arrive sur Dixmont, le prochain ravito approche. L’Enfourchure signifie plus de la moitié, après on bascule de l’autre côté de la barrière. Et psychologiquement, c’est bon pour le moral.

72ème km, arrivée à l’Enfourchure, ancien prieuré datant de 1209, l’endroit est sympa. Nathalie m’attend sous le barnum, Pascaline se repose un peu dans la voiture. 3 coureurs sont là, avec autant de bénévoles. Il est 6h30, j’ai repris 1 heure sur mon retard, cool !!! Je me pose un peu, je goûte la délicieuse soupe à « pépère » faite maison ! Trop bonne, ça réchauffe le cœur. Il fait froid, je me restaure un peu, je me force à manger, il le faut, c’est mon carburant.

Dans 30 mn, le jour va se lever. Je repars, les jambes sont raides, j’ai vraiment froid. Il ne me faut pas moins d’1 km pour détendre mes jambes. J’aperçois coté Est, des lueurs plus claires qui annoncent le crépuscule du matin. La nature se réveille gentiment, le chant des oiseaux nous accueille, le cocorico transperce cette légère brume qui embellit le hameau de la grande vallée. Ce moment est trop beau pour ne pas en profiter, je m’arrête, je suis seul surplombant ce petit hameau. Je souris, je suis heureux de profiter de cet instant, je déconnecte mon cerveau, à ce moment je ne suis plus dans la course, j’hume cette odeur, je remplis mes poumons. Un instant de bonheur où je me dis que rien ne sert de partir au bout du monde pour trouver ces petits moments de plaisir. Je reprends tranquillement la course, la luminosité s’intensifie. J’ai l’impression de redécouvrir tout ce qui se passe autour de moi. Durant 10 heures de course je suis resté concentré sur mon faisceau lumineux et là, en quelques minutes, la nature s’offre à nous.

Le soleil se lève, je ne vois aucun concurrent. Cela fait plus de 50 km que je cours seul. Je traverse Dixmont, puis les Bordes, plus besoin de frontal, enfin !!!

Mon rythme a ralenti, j’approche les 80 km, il en reste encore 50. Je prends une portion de route, France Bleu Auxerre dans les oreilles, une voiture se met à ma hauteur, « la vierge Med » apparait dans son carrosse. Il m’accompagne, dans sa voiture, jusqu’ à Talouan. Il voulait m’encourager avant d’aller à son boulot. Sympa le Med !!

Je passe Talouan, la longue descente m’a fait du mal. Je retrouve mes suiveuses, ainsi qu’Émilie et Azé. Elles vont se lancer sur le 18km. Pour elles aussi, c’est leur course de l’année. Elles n’ont jamais fait autant, c’est un vrai challenge pour elles, et je les félicite.

Le ravito de Passy approche, mais les kilomètres sont de plus en plus longs. J’alterne entre la course et la marche, j’ai un coup de moins bien. Cela fait depuis presque 70 km que je cours seul, la chaleur a remplacé la fraîcheur. La montée après Talouan m’a tué. Dans 4 km, j’arrive à Passy, mes jambes n’en peuvent plus, je suis à plus de 10mn au km, c’est vraiment long, je m’accroche pour ne pas craquer. Dernière descente sur Passy, j’arrive au ravito. Sans un mot, sans un sourire, je me retiens de ne pas tomber en pleurs dans les bras de Nathalie. Elles voient bien que ça ne va pas. Je m’écroule sur un banc, ma tête entre mes mains. Il me faut 3-4 mn pour reprendre mes esprits, reprendre le dessus.

Il y a de l’effervescence à ce ravito. Les coureurs du 50 y passent aussi. La fatigue m’oblige à aller me poser sur un matelas. Je demande à mes suiveuses de venir me réveiller dans une trentaine de minutes. Dans la salle, plusieurs matelas sont installés, il y a un coureur qui dort. Je m’effondre, et en quelques secondes, le sommeil m’attrape.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuC’est le son d’une cloche qui me réveille, j’entends les encouragements et j’en déduis que les 1ers du 50 commencent à arriver. Ma femme me retrouve et m’aide à me relever tant bien que mal. Mes jambes sont raides, je marche comme un robot. Cette petite sieste m’a fait énormément de bien. Au moment où je sors, Peter et Stéphane passent comme des fusées, ils finiront 2ème et 3ème du 50. Trop fort les mecs !! Mon frère ne devrait pas tarder non plus.

 

Je me pose à une table. Malgré le soleil, je suis frigorifié. Je bois 2 bols de soupe à l’oignon, je mange un peu de pizza, quelques tucs et du saucisson. J’aperçois mon frère en 7ème place, qui passe sans s’arrêter au ravito, il ne m’a pas vu ! Pauline, une copine, mes parents et Karine, la copine de mon frère, sont présents. Il est 11h00, je suis au 90ème km, il ne me reste plus que 40 km !!!

Il faut que je reparte, les batteries sont rechargées, je serai avec les coureurs du 50, tous les voyants sont au vert pour finir cette aventure. Un bisou à ma femme et je reprends la course. Je dois faire du 6-7km/h, le rythme n’est pas élevé mais je ne peux pas faire mieux. La moindre petite montée, je la fais en marchant. Et les kilomètres passent, doucement…

Quasiment tous les coureurs du 50 km qui m’ont doublé ont eu un geste ou une parole à mon égard : « trop fort, une machine », « courage à toi, tu vas y arriver », « jamais je pourrai faire ça ». Ça me fait plaisir d’entendre ça.

Je suis au 100ème km, en compagnie de Dany, qui m’interview. Il commence à faire chaud. Je rattrape des coureurs du 130, certains sont blessés, d’autres n’ont plus de jus, mais tous veulent en finir. La distance entre les ravitos parait de plus en plus longue. Je me retrouve à celui de Noé vers les 14h30. Je reste une vingtaine de minutes. J’en peux plus, mais je reste concentré. J’entends le pouet-pouet d’Emilie. Ils m’attendent au milieu de nulle part. Dany, Aze, Med et Emilie voient que ce n’est pas la grande forme.

117ème km, mon père et Pat sont sur un dôme qui sert de départ pour les parapentes. Mon père me dit de faire très attention car il y a une descente assez dangereuse. Effectivement, la descente est trop dangereuse, mes jambes tremblotent, Med me suit et essaie de me détendre, je ne sais pas ce qu’il raconte, mais ça doit être des conneries. Je suis hyper concentré, et à ce moment-là, je hais Thierry Colas qui a concocté ce petit passage…!

Le pire, c’est qu’on fait une boucle et qu’on repasse en haut de cette satanée descente ! Bref, une épreuve de passée, je continue mon chemin qui culmine Malay le Grand. J’entends en contre bas mon prénom à plusieurs reprises. J’entends le rire de Diana, une résidente trisomique du foyer où je travaille. Elle me donne le sourire, un sourire qui est limite à basculer en larmes. Ils sont une dizaine à donner de la voix, ils m’attendent depuis longtemps, accompagnés de 3 de mes collègues, Marie, Samira et Audrey.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

Tous les midis, ils me voient partir du foyer pendant ma pause pour aller courir, pour m’entrainer pour
cette course. Aujourd’hui, ils en voient l’aboutissement. J’ai droit à un accueil extraordinaire, ils sont fiers de leur moniteur de sport. Moi qui ai du mal à mélanger le boulot et ma vie perso, je suis content de me retrouver parmi eux, de voir leur sourire et d’entendre leurs compliments.

Je retrouve mes suiveuses, qui n’étaient pas au ravito de Noé. Je ne leur en veux pas, même si elles m’ont manqué, car je pensais les voir. Pascaline s’effondre en larme, car on leur a dit qu’il n’y avait pas de ravito à Noé. Je la prends dans mes bras et la rassure en lui disant que ce n’est pas grave.

J’ai mon dos qui me brûle, le frottement avec mon sac à mis ma peau à vif. David, un bénévole, me passe du nok, ça piquotte sévère !!!

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuDernière étape avant l’arrivée, plus que 12 km, ou encore 12 km !!! Je les ferai en marchant, mes jambes ne veulent plus aller plus vite, le single dans la ravine est un véritable parcours du combattant. Le moindre tronc d’arbre à passer me paraît un obstacle infranchissable. En entraînement, je peux faire les 12 km en 1heure.

Aujourd’hui, il m’en faudra 2h30…

Mètre par mètre, j’avance tranquillement, j’en ai vraiment marre, je suis fatigué. Même « la colline
éternelle de Paron » a du mal à me donner le sourire. Je sais maintenant que je vais finir, mais le chemin est si long. Je reconnais au loin Léandre et Charly. Ce moment je le rêvais, je me le repassais des dizaines et des dizaines de fois quand je m’entraînais. Finir mes 130 avec mes enfants. Léandre court à ma rencontre, me demandant si je vais bien. Bien sûr que je vais bien, je vais mieux. Ma voix est déformée. Ils m’accompagnent jusqu’à Maillot, Léandre qui me devance me signale toutes les petites difficultés, les racines, les branches, les cailloux. Ça me touche.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu128 km, un concurrent, plutôt un partenaire, car il n’y a pas d’adversaire, me rattrape. On finira ensemble. Pour lui aussi, c’est son 1er 130, pour lui aussi il réalise un grand exploit, mais notre joie nous la gardons en nous. On papote, on se raconte notre vie. Je le préviens qu’il risque d’y avoir pas mal de monde à l’arrivée pour m’accueillir. Je croise Pascaline et Nathalie, elles qui m’ont accompagné pendant toute cette aventure. Je pourrais tomber dans leurs bras, mais la ligne d’arrivée n’est pas encore franchie. On passe sous ce petit tunnel, bizarrement je connaissais quasiment tout le parcours, mais ce petit tunnel qui se trouve à 1 km de l’arrivée, je ne le connais pas.

 

On arrive dans les jardins des Boutours, je ne suis pas euphorique, je suis simplement content et
extrêmement fatigué. Il y a Bertrand qui m’attend à la sortie des jardins, en vtt. Je lui demande si son 18 km de ce matin s’est bien passé. On traverse les terrains de foot, Léandre et Charly me retrouvent, on entend les speakers. La voix d’Harry, le speaker, m’accorde à me dire que cette aventure est bientôt finie. Des mois d’entraînement, 21h45 de course qui arrivent à leur terme. Je suis heureux mais j’ai du mal à réaliser. Mon père, mon frère, Karine m’accompagnent sur le site d’arrivée. Des gens, que je ne connais pas applaudissent, Eliott court à ma rencontre, je suis avec mes 3 enfants. Ma femme, enceinte de plus de 8 mois, m’accueille 50m avant, je tombe dans ses bras. A 1 mois près, notre fils Timothé aurait pu assister à mon arrivée !!!

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'RomuCa y est, j’y suis, tous mes amis sont là, les résidents m’acclament, les speakers m’annoncent, j’ai trop d’émotions pour les faire vivre. Ma maman me prend dans ses bras, j’avance lentement, je regarde à gauche à droite, je souris. Je passe sous l’arche en 21h50, Vincent Delebarre m’accueille en me congratulant, lui qui a un palmarès long comme mon bras, Pat me serre dans ses bras, je l’entends encore « tu l’as fait mon Romu, tu l’as fait !!! », ma gorge se noue, Cheche me félicite à son tour.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

Je pose avec Dawa pour quelques bonnes photos souvenirs. J’ai encore du mal à réaliser. Je reviens sur mes pas pour aller essuyer mes larmes sur les épaules de mes 2 suiveuses, Pascaline et Nathalie, qui une fois de plus m’ont apporté un énorme soutien.

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

 

Je remercie tous les résidents ainsi que mes 3 collègues d’avoir participé à cette aventure. Les fous de
l’APSAM ont les yeux qui scintillent. Leur « maître » comme ils aiment bien m’appeler, à réussi. J’ai du mal à extérioriser ma jubilation. Pourtant au fond de moi, je suis en exaltation.

Je vais récupérer mon lot finischer, une belle veste technique imprimée « la Brennus 130, j’ai vaincu ». Je suis fier aujourd’hui de porter cette veste.

Il m’aura fallu seulement 3 jours pour récupérer et reprendre une allure de marche normale. Cette bataille m’aura fait perdre 2 ongles de pied et 3 kilos. Et elle m’aura fait gagner beaucoup de souvenirs, et une grande satisfaction personnelle.

Je pense faire l’impasse sur les grandes distances en 2019, avec l’arrivée de mon 4ème garçon, Timothé né le 15 octobre (exactement 1 mois après mon trail !), le planning sera encore un peu plus chargé !!!

Trail Du Grand Sénonais - 130km - Récit d'Romu

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